Piano

Le piano

Aujourd'hui je vous propose de lire ce conte que j'avais écrit le 11 mars 2014

Le piano

 

Le piano était très content, il avait retrouvé sa joie de vivre et souriait de toutes ses dents. En effet il avait passé une fort mauvaise période, mais en était sorti indemne et tout allait bien pour lui. C’était finalement là l’essentiel. Il ne put cependant s’empêcher de s’en repasser le film et la mélodie qui l’accompagnait.

Comme chaque jour depuis sa fabrication, sa propriétaire l’enchantait par les mélodies qu’elle créait sur ses touches noires et blanches. Il aimait d’ailleurs tout particulièrement les blanches, dont la propreté le ravissait et dont les sonorités lui convenaient mieux. Il était heureux de partager la vie de sa musicienne dont il ne se lassait jamais de sentir les mains courir sur ses gammes.

Mais tout se compliqua, lorsque la pianiste voulut que d’autres mains courent sur son clavier. Elle se mit à recevoir des débutants auxquels elle apprenait à jouer et c’était une cacophonie si épouvantable que le piano se sentit de plus en plus mal. S’il avait pu, il se serait d’ailleurs bouché les oreilles, mais n’ayant pas de mains, il ne pouvait le faire. Il ne lui restait qu’une seule solution pour arrêter ce désastre : sonner faux, ce qui le ferait paraître malade et qui le mettrait surtout en congés. Cela ne lui semblait pas difficile, car les petits marteaux qui tapaient d’ordinaire rapidement sur les cordes, commençaient à s’essouffler, ce qui étouffait les sons habituels. Rapidement la situation empira et le piano sonna tellement faux que sa propriétaire fit appel à son accordeur. Celui-ci procéda à toutes sortes de réglages, mais rien n’y fit, le piano continuait de résonner faux ! Personne n’y comprenait plus rien et les élèves durent prendre des congés, ce qui ravit l’instrument, qui fut enfin soulagé de toutes leurs fausses notes. Cependant il n’avait pas pensé à une conséquence ennuyeuse de sa machination : même sa propriétaire ne pouvait plus jouer et il l’entendit avouer à son mari qu’elle allait devoir s’en débarrasser pour en trouver un neuf, plus performant et surtout en parfait état de fonctionnement.

Le piano fut ainsi délaissé. Plus personne ne soulevait plus le couvercle qui protégeait ses quatre-vingt-huit touches. C’était la catastrophe et le piano commença à regretter les douces mélodies que sa pianiste jouait. Il se surprit même, et c’était vraiment le comble, à penser que finalement les élèves lui manquaient. Bref, il se sentait seul, désespérément seul et eut peur qu’on se débarrasse de lui. Il sentait sa fin arriver et chercha un moyen pour retrouver ses anciennes fonctions.

A côté de lui, était posé sur un petit guéridon son ami, le violon, qui l’avait souvent accompagné dans des duos. Son propriétaire, qui était le fils de la pianiste, le sortait de son écrin parfois, quand il en avait encore le temps, car il allait au lycée et avait beaucoup de devoirs. Alors il s’ennuyait lui aussi et quand il vit que le piano était à l’abandon et s’empoussiérait, il eut une idée et lui dit :

- Alors, toi aussi, tu es seul ? Je ne t’entends plus jouer de belles mélodies et je suis triste que nous ne puissions plus unir nos voix comme nous le faisions avant. Serais-tu d’accord pour que nous concoctions un tour pour que nos musiciens nous prêtent à nouveau attention ? Mais tout d’abord peux-tu m’expliquer ce qui t’est exactement arrivé ?

El le piano raconta toutes ses mésaventures à celui qui allait devenir son meilleur ami.

- Bon, effectivement tu t’es toi-même mis dans l’embarras, mais je comprends très bien tes raisons et j’aurais agi exactement de la même manière, si j’avais été à ta place. Alors voici l’idée que je viens d’avoir. Si tu es d’accord, nous la mettrons en pratique dès aujourd’hui.

Et le violon dévoila en détails la stratégie qu’il avait en tête. Le piano accepta immédiatement et les deux amis mirent leur plan à exécution.

Tout d’abord le violon se hissa hors de sa boîte et sauta sur le dos du piano. Il se pencha et tira de toutes ses forces sur le couvercle du clavier pour l’ouvrir. Il finit par y parvenir tant bien que mal et poussa un soupir de soulagement.

Il ôta le tissu de velours qui protégeait les touches et découvrit les dents blanches et noires de son ami qui ne demandait qu’à revivre. Alors d’un bond, il sauta sur le clavier et tout en activant son archet sur ses cordes, dansa sur les touches en rythme.

La mélodie qui s’élevait était totalement inédite et les deux amis s’en donnèrent à cœur joie. Elle était si belle et originale que la pianiste et son fils, le violoniste, qui ne travaillait pas ce jour de samedi, arrivèrent en courant et assistèrent à cet étrange spectacle. Ils écoutèrent et regardèrent émerveillés et ne purent s’empêcher d’applaudir, ce qui n’empêcha pas les deux amis de continuer leur duo.

Alors la pianiste s’assit sur le tabouret disposé derrière le piano et posa ses mains sur les touches pour accompagner la musique à son tour.

Le trio continua ainsi à jouer longuement avec pour seul spectateur le jeune homme, qui s’étant emparé de son cahier de musique, retranscrivait toute la partition.

De mémoire de musiciens, jamais une telle création musicale n’avait été entendue.

Alors le piano et le violon furent heureux, car leurs musiciens décidèrent de les dépoussiérer, de les accorder régulièrement et de les chérir.

Au grand soulagement du piano, il n’y eut plus jamais d’apprentis musiciens dans la maison et seuls les doigts de sa pianiste préférée le faisaient chanter.

A côté de lui, son ami le violon, vibrait sous l’archet devenu magique, tant le violoniste jouait bien.

Les quatre amis firent le tour du monde, jouant de salles en salles la partition inventée par le piano et le violon, mais lorsqu’il s’agissait d’annoncer qui en était le créateur, la pianiste et le violoniste étaient bien embêtés et ils finirent par le nommer : « Secret musical ».

 

Danièle Berry, 11 mars 2014

contes symboliques piano

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Commentaires

  • Berry Michel
    • 1. Berry Michel Le 17/11/2024
    Comme pour nombre d'autres contes, je ne sais pas dire pourquoi je les aime et quel sens a voulu lui donner son auteure. Mais j'aime ce monde imaginaire où les objets ont une âme et où ils cherchent à trouver du sens à leur "vie". Un piano qui ne supporte pas les élèves de sa propriétaire, je l'imagine très bien ayant moi-même eu des cours de piano avec une vieille professeure au piano un peu fatigué. Je n'aurais pas aimé être à la place du piano dans mes débuts, mais je me confortais en disant qu'ils ne pensaient pas. J'avais peut-être tort...
  • Claude BERRY
    • 2. Claude BERRY Le 14/11/2024
    Cette histoire me rappelle les mélodies que je jouais sur mon piano et celles que ma soeur jouait avec son violon mais chacun de son côté. Ici les deux instruments se retrouvent dans un duo fantastique.

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