Solitude

La vie de Solitude était triste. Autour d’elle existait le vide, si on peut dire que le vide existe. C’était pourtant ce qu’elle ressentait : elle ne voyait rien autour d’elle, absolument rien. Plus le temps passait et plus l’espace se vidait autour d’elle. Elle se sentit devenir de plus en plus petite, rabougrie dans son coin. C’était comme si elle était transparente. Elle avait beau héler les gens, personne ne lui prêtait attention et surtout elle sentait bien qu’elle dérangeait. Alors elle s’isolait mais ce n’était pas de son plein gré. Qu’avait-elle donc de si particulier pour devenir ainsi inaperçue ? Elle avait beau chercher, elle ne trouvait pas. Mais un jour, elle en eut assez, décida de sortir de sa torpeur et se mit en chemin avec l’espoir de découvrir de l’inédit.

Elle croisa des personnes et leur sourit mais elle ne reçut aucun signe d’intérêt en échange. Qu’avait-elle donc fait pour en être réduite à cette existence ? Elle finit par s’asseoir au bord d’un chemin déserté et elle prit sa tête dans ses deux mains, laissant ses larmes couler.

    - Que vous arrive-t-il gentille demoiselle ? lui demanda une voix douce.

Solitude sursauta tellement elle était absorbée par sa propre souffrance et écarquilla les yeux devant l’apparition. Devant elle se tenait un écureuil roux avec une magnifique queue en panache. Elle lui adressa un joli sourire et, étrange phénomène, l’écureuil lui sourit en retour.

   - Il m’arrive que je me sens seule. Mais qui êtes-vous ?

   - Je suis un écureuil. Je peux vous accompagner si vous le souhaitez. J’ai tout mon temps car je n’ai rien à faire de particulier.

   - Bonne idée ! Je suis très heureuse de vous avoir rencontré. Mais je ne sais pas où aller.

   - Nous pourrions marcher au hasard, sans destination précise. Ainsi nous pourrions découvrir de l’inédit.

   - Vous avez tout à fait raison car c’est justement ce que je cherchais : de l’inédit !

C’est ainsi que Solitude et son nouvel ami Écureuil se mirent en marche côte à côte.

 Tout en conversant avec Solitude, Écureuil ramassait par-ci, par-là, ce qu’il appelait ses « trésors ». Solitude l’observait avec beaucoup d’admiration et osa lui demander pourquoi il agissait ainsi.

   - C’est très simple : je fais mes provisions pour l’hiver afin de ne manquer de rien, lui répondit-il très sérieusement.

   - Ah, c’est une bonne idée à laquelle je n’aurais jamais pensé ! Mais je ne vois pas ce que je pourrais ramasser pour l’hiver.

   - Pour l’hiver, peut-être pas, mais si vous trouvez des trésors qui vous plaisent, vous vous sentirez certainement moins seule, rétorqua Écureuil sur un ton dogmatique.

   - Je ne vois pas quel genre de trésors me rendraient moins seule, répondit tristement Solitude.

   -  Voyons, voyons, quelles sont les qualités que vous aimez chez les humains ?

   - Pour le moment je n’en vois aucune chez eux car je n’en fréquente plus : ils m’exaspèrent !  En revanche, je trouve que vous avez beaucoup de qualités : la gentillesse, la compassion, la ténacité, l’anticipation et la fidélité puisque vous restez avec moi.

   - C’est gentil de me dire tout cela ! Moi je vois en vous beaucoup de sensibilité qui ne demande qu’à s’exprimer ! Lui dit doucement Écureuil en entourant Solitude avec sa queue en panache.

   - Oui, c’est vrai, lui répondit Solitude qui se sentit tout émue du geste de son ami, mais je pense que je suis beaucoup trop sensible et que cela me dessert avec les humains.

   - Et si vous pensiez que votre sensibilité est une qualité au lieu d’un défaut, ne vous sentiriez-vous pas mieux ? Mettez-la au service des autres plutôt que de vous en défendre et je suis certain que les humains vous accepteraient mieux.

   - Je ne comprends pas bien ce que vous voulez dire, répondit Solitude en fronçant les sourcils.

   - Je veux dire qu’au lieu de vous morfondre sur vous-même, vous pourriez aller vers les autres tels qu’ils sont : imparfaits mais sensibles aussi. Ne les jugez pas trop vite, eux aussi ont leurs propres soucis. Cherchez en eux leurs qualités au lieu de vous fixer sur leurs défauts et vous trouverez probablement les mêmes qualités que vous aimez chez moi et plein d’autres. Faites confiance en la vie et tout ira bien, même si elle comporte des hauts et des bas.

Sur ces entrefaites, Écureuil sauta sur une branche d’arbre, fit un signe d’adieu à son amie et disparut.

Danièle Berry, 23 janvier 2025

Date de dernière mise à jour : 25/01/2025

  • Aucune note. Soyez le premier à attribuer une note !

Commentaires

  • Isabelle Berry
    • 1. Isabelle Berry Le 29/01/2025
    J'aime beaucoup cet écureuil qui permet à Solitude d'utiliser sa sensibilité, qui lui semblait un défaut, pour s'ouvrir aux autres, et pour voir leurs qualités et leurs propres sensibilités.
    Très joli conte.
  • Claude BERRY
    • 2. Claude BERRY Le 24/01/2025
    Une petite dépression peut devenir un grand amour
  • Michel Berry
    • 3. Michel Berry Le 23/01/2025
    Très beau conte sur la relation et l'ouverture à autrui comme remède à la solitude

Ajouter un commentaire