La longueur du temps
Le temps s’étira de tout son long puis se rendormit. Brusquement son réveil sonna. Il bondit en maugréant : l’alarme l’avait arraché à ses rêves.
Il s’extirpa péniblement de son lit. Une nouvelle journée entrecoupée de différentes activités allait une nouvelle fois le contrarier. Il savait bien que c’était nécessaire, mais se sentir ainsi coupé en morceaux le mettait de mauvaise humeur. Lui, ce qu’il aimait, c’était justement de prendre tout son temps. Il aimait surtout le temps infini, celui qui ne se presse pas et qui ne subit aucune contrainte. Mais il était soumis aux besoins des humains qui le morcelaient pour vaquer à leurs diverses activités, dont de nombreuses contraintes professionnelles. Tout était organisé de manière fixe : les trains devaient partir à des horaires précis, les rendez-vous s’enchaînaient les uns derrière les autres dans une durée impartie, les enfants mangeaient à l’heure décrétée par leurs parents et même les animaux étaient soumis aux décisions de leurs propriétaires. Cette répartition contrariait le temps : il se sentait disloqué. Il aurait aimé apprendre aux humains à prendre leur temps pour ne pas courir à leurs obligations, mais il savait que c’était impossible. C’était une réalité : les habitants de la planète terre n’aimaient pas la lenteur, car ils avaient souvent l’impression de perdre leur temps ou craignaient d’arriver en retard. Pourtant tout n’était pas si simple car même quand certains fixaient les heures de rendez-vous, elles n’étaient pas toujours respectées, ce qui provoquait inévitablement de l’énervement pour ceux qui attendaient et de l’incompréhension pour ceux qui tardaient. Le temps pensait tous les matins que le morceler n’était pas aussi efficace que cela aurait dû être. Cela ne servait donc à rien de son point de vue.
Le temps se sentait pris au piège mais ne pouvait rien y changer : il devait accepter d’être coupé en morceaux. Heureusement, il savait que la nuit il pourrait se reposer, enfin il l’espérait : son sommeil était aussi entrecoupé par des réveils nocturnes qu’il aurait bien eu envie de mettre à la poubelle. Mais il devait se résigner : son destin était de se laisser couper en tranches horaires par les humains.
Le temps observait le monde autour de lui et se disait qu’il était bien dommage que la vie soit ainsi faite.
Danièle Berry, 15 mars 2022
Date de dernière mise à jour : 11/08/2023
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