Le ballon non dirigeable
Il y a très longtemps, c’était la grande fête des ballons dirigeables. Il en venait de tous les coins du monde. Ils s’étaient tous rassemblés sur un immense terrain. Des ballons de toutes tailles, de toutes formes et de tous poids se côtoyaient. Il faisait un temps propice aux envols : beau, sans vent et température idéale. Les bonnes conditions étaient requises pour rester dans le ciel très longtemps. La fête s’annonçait heureuse.
Le signal du grand départ retentit et les ballons s’élevèrent en même temps dans un bruit fracassant. Cela donnait un air féérique et même les nuages souriaient en voyant passer ces étranges objets volants aux moteurs bien bruyants. Tout se déroulait parfaitement.
Quelques ballons s’amusaient à sillonner le ciel pour décrire des arabesques, d’autres montaient et descendaient comme le font les ascenseurs, les plus prudents se laissaient planer puis avançaient tranquillement.
Parmi tous ces ballons un seul semblait plus téméraire que les autres. Était-il inconscient ou rebelle ? Il montait d’un seul coup puis redescendait brutalement sans se soucier de ses congénères qu’il gênait. Il avait envie de s’amuser et profitait de la situation pour montrer ses capacités. Hélas, les autres ballons dirigeables finirent par le rabrouer pour montrer leur désaccord. Mais lui ne s’en souciait pas et poursuivait son vol comme il en avait envie pendant que les autres s’étaient éloignés et se contentaient de rester à une hauteur raisonnable.
La journée se déroula ainsi sous les applaudissements des nombreux spectateurs qui scrutaient le ciel avec admiration mais qui commençaient malgré tout à ressentir des douleurs à la nuque à force de regarder en l’air. Heureusement, le temps de vol prévu s’était presque écoulé et le micro annonça la fin de la fête. Les organisateurs rassemblèrent dans de grands hangars tous les ballons au fur et à mesure qu’ils se posaient. D’énormes nuages noirs commencèrent à envahir le ciel. Le vent se mit à souffler, ce qui fit s’enfuir tous les spectateurs. La pluie commença à tomber et des rafales de vent courbèrent les arbres dangereusement. Le silence total régnait sur l’immense terrain. Les ballons se tinrent immobiles dans leurs abris pour affronter le mauvais temps. Il n’y avait donc aucun risque.
Pourtant un seul ballon n’était pas revenu sur la base et continuait de jouer inconsciemment comme il en avait envie. Il se sentait libre et après avoir remarqué qu’il était tout seul dans le ciel, il se dit que c’était formidable car il avait enfin de la place. Seul et libre il était, mais en danger il l’était aussi. Il avait décidé d’être « un ballon non dirigeable » et n’en faisait qu’à sa tête. Il était enfin heureux.
Les rafales de vent et la pluie augmentèrent. Il commença à redouter le pire. Il comprit dans quelle situation il se trouvait et voulut redescendre mais il était trop tard : un immense coup de vent l’emporta très loin et très haut. Jamais plus personne ne le revit.
Danièle Berry, 7 mars 2022
Date de dernière mise à jour : 20/08/2023
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