Le caillou

C’était un petit caillou perdu dans l’immensité du monde. Il se sentait bien seul et avait envie de voyager. Autour de lui des cailloux en apparence comme lui semblaient se satisfaire de leur sort. Ils restaient immobiles, excepté lorsque de violentes tempêtes les déplaçaient ou que de fortes marées les entraînaient sur le sable. Ce petit caillou ne devait pas être comme les autres, car les autres s’adaptaient aux conditions extérieures, mais lui n’y arrivait pas. Comme il avait pris l’habitude de se déplacer il eut l’idée de dessiner un message sur la plage. Il le traça en belles lettres lisibles :

 

Petit caillou cherche chaussure à son pied pour faire un bout de chemin ensemble.

 

Une fois son travail accompli, il attendit des réactions.

Une dame suivie d’un petit garçon qui devait être son fils marchait d’un pas rapide et stoppa net devant la phrase du caillou. Étonnée, elle haussa les épaules en entraînant vigoureusement le bambin qui voulait s’arrêter. Le caillou resta interloqué par autant d’indifférence mais ne désespéra pas pour autant et continua à attendre.

Un homme âgé arriva en claudiquant. Il s’arrêta devant l’inscription et parcourut les lettres avec le bout de sa canne. Puis il repartit en marmonnant. Le caillou ne comprit rien à l’attitude de ce vieux monsieur et encore moins à ses paroles. Malgré tout il resta imperturbable à côté de sa phrase.

Un couple d’amoureux avança main dans la main en s’arrêtant de temps en temps pour s’embrasser. Ils aperçurent les lettres sur le sable et éclatèrent de rire tout en poursuivant leur chemin. Le caillou commença à ressentir une profonde tristesse mais il ne bougea pas pour autant.

A chaque passage d’êtres humains il espérait que quelqu’un s’arrêterait pour l’insérer dans une de ses chaussures mais ce fut en vain.

La marée commençait à monter, ce que le pauvre caillou vit d’un mauvais œil. Ses inscriptions seraient bientôt effacées par l’eau et jamais il ne pourrait visiter le monde.

C’est alors qu’un magnifique cheval noir arriva en galopant. Il stoppa net devant les inscriptions et aperçut le petit caillou qui semblait si triste. Il comprit le sens du message dessiné en belles lettres sur le sable et s’adressa en ces termes au caillou :

- Bonjour, petit caillou. Je vois que tu n’as pas trouvé de chaussure dans laquelle te glisser pour voyager. Cela me paraît normal car personne ne supporterait un caillou sous son pied. Cela le gênerait trop pour marcher. Il aurait peur d’être blessé par ta présence ou ne saurait comment se débarrasser de toi mais moi je n’ai pas peur et je veux bien faire ce bout de chemin avec toi. Voici ce que je te propose : viens te caler dans un de mes quatre sabots. Tu choisis celui que tu préfères et tu te loges bien au fond pour ne pas me gêner. Tu es si petit que cela ne me posera aucun souci.

Alors le caillou regarda les quatre pieds du magnifique cheval et essaya de trouver dans lequel il pourrait se glisser pour ne pas blesser le pied de cet ami qui ne lui voulait que du bien. Il choisit son postérieur droit, ne voulant pas risquer de provoquer un abcès à un des deux antérieurs du cheval. Il se glissa délicatement dans la fourchette du pied puis rampa dans un coin qui ne touchait pas le sol, de sorte que le pied ne souffrirait pas. Le cheval repartit sans ressentir la moindre gêne et se mit à galoper de toutes ses forces. Le caillou se sentit transporté de bonheur. Il voyageait avec son nouvel ami tantôt au galop, tantôt au trot, tantôt au pas. Parfois ils s’arrêtaient au bord d’une rivière pour que le cheval puisse s’abreuver. Le caillou suivait le cheval dans toutes ses actions, sans jamais le gêner. Ils furent les deux meilleurs amis du monde.

Sur la plage les lettres tracées par le caillou avaient disparu, emportées par les vagues mais cela n’avait plus aucune importance car le caillou avait enfin trouvé sa place.

 

Danièle Berry, 25 avril 2022

 

Date de dernière mise à jour : 11/08/2023

  • Aucune note. Soyez le premier à attribuer une note !

Ajouter un commentaire