Le Vide et le Plein
« La vérité a besoin d’ombre et de lumière. C’est pourquoi elle ne doit s’abandonner ni aux ténèbres, ni à l’éblouissement. » (Antoine de La Garanderie)
Le Vide errait sans savoir où il allait, sans aucun objectif, sans rencontrer la moindre étincelle de vie. Il espérait qu’un jour il pourrait trouver un être de lumière sur son chemin car tout était noir autour de lui. Le Chaos régnait et tout était extrêmement triste, triste à en mourir.
Le Plein essayait de se frayer un passage tant il y avait de monde autour de lui et il était aveuglé par un excès de lumière. La surpopulation régnait autour de lui et tout était extrêmement agité, agité à en perdre haleine.
Le Vide avançait pour trouver des êtres et le Plein avançait pour trouver la tranquillité.
Le Vide avançait dans les ténèbres et le Plein avançait dans l’éblouissement.
A force d’avancer le Vide aperçut une lumière au loin et, de même, le Plein aperçut de la pénombre au loin. Il se rapprochèrent l’un de l’autre et finirent par se rencontrer.
Le Vide se sentit aveuglé par la clarté du Plein et Le Plein se sentit désemparé par la noirceur du Vide. Ils ne comprenaient pas ni l’un ni l’autre comment un tel éblouissement et de telles ténèbres pouvaient exister dans l’Univers. Et ils décidèrent de converser pour tenter de se comprendre.
- Comment faites-vous pour vivre dans autant de lumière et autant d’agitation ? demanda le Vide au Plein. Vous devez vous sentir étouffé par autant de monde autour de vous !
- Justement, je me sentais tellement fatigué par cette surpopulation que je recherchais la tranquillité et c’est pourquoi je me suis mis en marche vers l’absence de Plein et vous ai trouvé puisque vous êtes le Vide. Et j’ai ainsi atteint mon objectif sans le savoir à l’avance puisque je ne connaissais pas votre existence. Mais et vous ? Ne vous sentiez-vous pas désespérément seul ?
- Eh bien justement si. C’est d’ailleurs la raison qui m’a poussé à chercher de la Vie. Je m’ennuyais à mourir de cette absence et c’est pourquoi je me suis mis en route vers l’absence de Vide et vous ai trouvé puisque vous êtes le Plein. J’ai moi aussi atteint mon objectif par hasard puisque je ne connaissais pas votre existence.
- Nous avons donc finalisé nos objectifs et nous pouvons alors nous entendre, répondit le Plein.
- Nous entendre ? Là je n’en suis pas si sûr car comment faire pour que moi, le Vide, et vous, le Plein, puissions nous rejoindre ? Il nous faudrait des intermédiaires !
- De quels intermédiaires voulez-vous parler ?
- Réfléchissez : je suis vide et vous êtes plein donc vous devez vous vider et moi me remplir si nous voulons être à égalité et à ce moment-là l’harmonie pourra régner entre nous et nous pourrons réellement nous entendre.
- Ah, c’est tout à fait exact ! Mais dites-moi, vous n’êtes pas si vide que vous le paraissez car vous réfléchissez très bien !
- Effectivement, cela ne m’empêche pas de réfléchir d’autant que j’ai de la place en moi pour y mettre des pensées. En revanche, en ce qui vous concerne, étant donné que vous êtes le Plein, il n’y a plus beaucoup de place pour méditer !
- Ah, je n’avais pas du tout pensé à cela ! S’exclama le Plein.
- C’est bien ce que je vous disais ! Donc faites de la place en vous vidant un peu et comme il ne vaut mieux pas jeter toutes les richesses que vous avez en vous, versez-les en moi, de sorte que je pourrai me remplir ! Mais pas trop, juste ce qu’il faut pour que nous soyons identiques et tout ira bien entre nous.
- Excellente idée ! Donc à ce moment-là vous serez à moitié vide et moi à moitié plein !
- Voilà ! Tout à fait ! Et nous aurons deux autres noms : je serai le Moitié Vide et vous le Moitié Plein.
- Alors si je comprends bien, ce qui nous manquait était le Mouvement car en me vidant de moitié et en vous remplissant de moitié, au lieu de rester statiques, nous avons évolué dans un mouvement et ce mouvement peut aller de moi à vous et de vous à moi !
- Voilà, disons que c’est le principe des vases communicants : l’un se remplit de moitié tandis que l’autre se vide de moitié dans un mouvement incessant sitôt que nous agissons ou pensons.
- Le Plein, le Vide, le Moitié Plein et le Moitié Vide, tout comme les quatre saisons !
- Et cette ronde est éternelle et permet l’harmonie tout comme l’Espace, le Temps et le Mouvement qui conduit de l’Espace au Temps et le Mouvement inverse qui conduit le Temps à l’Espace sont en harmonie tous les quatre !
- Alors vous ne serez plus jamais vide et moi plus jamais plein car ce mouvement nous a sauvés !
- Oui et vive la Vie !
Le Vide qui était désormais le Moitié Vide et le Plein qui était désormais le Moitié Plein partirent bras dessus, bras dessous, pour visiter le Monde, l’Univers et le Multivers.
Danièle Berry, 28 décembre 2012
Date de dernière mise à jour : 03/11/2024
Commentaires
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- 1. Isabelle Berry Le 10/11/2024
J'aime beaucoup l'image de ce conte qui me rappelle que tout est dans l'équilibre entre le trop et le pas assez pour arriver à l'harmonie dans la durée.
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