Un silence assourdissant
Sur un coin de la planète terre, un silence assourdissant régnait dans le monde des mots : ils avaient tout simplement disparu ! Les lettres, les mots, les phrases et même les onomatopées semblaient avoir été engloutis. Les villages avec leurs magasins, leurs squares et leurs parcs de loisirs étaient déserts. Le monde des mots n’existait plus. Une seule pancarte écrite à la hâte subsistait : « En panne ».
La nouvelle se répandit vite dans l’univers, mettant en garde les voyageurs qui auraient eu la mauvaise idée de passer par là. Les journalistes des télévisions de tous les pays publiaient des flashs d’information alarmants : « Attention, n’allez surtout pas visiter le monde des mots car sinon vous perdrez l’usage de la parole ! » Bien évidemment, personne ne comprenait et les auditeurs haussaient les épaules devant un tel canular.
Un explorateur eut envie de découvrir ce phénomène et chercha sur un planisphère où il pouvait bien se situer. Il parcourut les mers et les océans à bord de son grand voilier et finit par atterrir dans un coin perdu, à l’entrée duquel se balançait la pancarte « En panne ». Il entra, arpenta les rues, frappa aux portes des maisons, sonna aux carillons des magasins, appela de toutes ses forces mais rien ne put briser le silence qui y régnait. C’est alors qu’il eut l’idée de faire de grands gestes avec un drapeau blanc qu’il avait confectionné à partir d’un drap et d’une longue perche pendant la traversée. Il l’agitait de droite à gauche et de gauche à droite, de bas en haut et de haut en bas, espérant ainsi attirer au moins un mot. Au bout de plusieurs heures, épuisé, il finit par s’écrouler et s’endormit sur le banc d’un square.
C’est alors que, mystérieusement, une porte s’ouvrit et une petite silhouette apparut. Elle se dirigea tranquillement vers l’explorateur et, voyant qu’il dormait profondément, lui subtilisa son drapeau. Elle réussit à le tirer jusque chez elle, entra vite et referma la porte.
L’explorateur se réveilla quelques heures plus tard et, se sentant reposé, il décida de retourner chez lui. Mais au moment de se lever, il s’aperçut que son drapeau n’était plus là. Comment une telle chose avait bien pu se produire ? Il réfléchit et en déduisit que quelqu’un avait dû le trouver et l’emporter. Qui avait donc bien pu avoir cette idée ? Alors il appela très fort :
- Oh eh ! Il y a quelqu’un ici ? Qui m’a volé mon drapeau ?
La silhouette apparut en agitant les bras dans tous les sens.
- Est-ce vous qui m’avez pris mon drapeau ? Demanda l’explorateur.
Mais il n’obtint pas de réponse et pour cause, puisque sans mots ni phrases, la silhouette ne pouvait plus s’exprimer en langage verbal.
Alors il eut une idée lumineuse : il dessina des formes en l’air, mima des scènes pour expliquer qu’il cherchait son grand drapeau blanc. Et tout à coup les portes des maisons s’ouvrirent, laissant apparaître les habitants. Tous se mirent à mimer des scènes et une nouvelle communication naquit : silencieuse, mais expressive, universelle et simple à comprendre sans traducteur. Le monde des mots était devenu le monde des signes, des gestes et des scènes muettes. Le silence n’était plus assourdissant : il laissa la place à une nouvelles forme de communication.
L’explorateur, qui avait pu récupérer son drapeau, revint chez lui et fut interviewé par de nombreux journalistes.
A l’entrée de ce nouveau monde une pancarte fabriquée avec un petit bout du drapeau se balançait doucement au rythme des habitants qui communiquaient désormais uniquement par gestes.
Danièle Berry, 28 novembre 2023
Date de dernière mise à jour : 29/12/2023
Commentaires
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- 1. Berry claude Le 30/12/2023
J'ai beaucoup aimé ce conte -
- 2. Berry Michel Le 29/12/2023
J'aime beaucoup ce conte. N'est-ce d'ailleurs pas dans ce coin de Terre reculé qu'est né le langage des signes ?
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